Le régime forestier adapté contient des dispositions spéciales ciblant la protection des forêts adjacentes aux cours d’eau et aux lacs. L’article 3.12 du régime forestier adapté traduit les dispositions liées aux bandes riveraines qui doivent aussi être appliquées.

3.12 : Protection des forêts adjacentes aux cours d’eau et aux lacs

  • 3.12.1 Une bande protectrice de vingt (20) mètres de largeur de chaque côté de tous les cours d’eau permanents et des lacs sera maintenue.
  • 3.12.2 Afin de répondre au souci de maintien d’une diversité d’habitats fauniques à proximité des plus grandes rivières, le long des rivières de plus de cinq (5) mètres de largeur, il sera maintenu sur une des deux berges des peuplements forestiers sur une largeur de plus de deux cents (200) mètres. Lorsque cela est possible, les coupes devraient être dispersées en alternance, sur les deux rives de ces rivières. Ainsi, seules des coupes en mosaïque pourront être réalisées à l’intérieur d’une bande de deux cents (200) mètres sur chacune des berges de telles rivières.
  • 3.12.3 Afin de préserver l’esthétique des paysages en bordure des grands lacs d’une superficie de plus de cinq kilomètres carrés (5 km2), seules des coupes en mosaïque pourront être réalisées dans les forêts visibles depuis la bordure du lac, jusqu’à une distance de un virgule cinq kilomètre (1,5 km).

Certains des éléments de la problématique soulevée par les trappeurs

Les adaptations liées aux bandes riveraines convenues au régime forestier adapté sont appliquées sur le territoire depuis l’entrée en vigueur l’Entente, en 2002. Depuis la mise en œuvre du régime forestier adapté, les trappeurs ont exprimé leur mécontentement à plusieurs reprises sur la manière dont ces régions sont aménagées, compte tenu des activités traditionnelles qu’ils exercent dans celles-ci et du fait que ces secteurs sont utilisés par la faune.

Les Cris entretiennent des liens traditionnels tant historique, que culturel avec les milieux riverains. Ces liens et ces valeurs, liés étroitement aux réseaux hydrographiques, sont souvent source de conflit entre les utilisateurs Cris du territoire et les intervenants forestiers. De façon récurrente depuis le début de la mise en œuvre du régime forestier adapté, les trappeurs formulent des demandes d’harmonisation pour les secteurs d’intervention forestière localisés à proximité des cours d’eau et expriment leur insatisfaction sur la gestion de ces zones, en considération de la pratique de leurs activités traditionnelles et de l’utilisation de ces secteurs, par la faune. Bien que les dispositions prévues à l’Entente soient respectées, ils les considèrent non adéquates pour prendre en compte leur utilisation du territoire. Les membres GTC et les rapports qu’ils produisent relèvent constamment cette problématique. Lors du développement du projet de directives pour la protection et la mise en valeur des habitats fauniques (2005) et du premier bilan de la mise en œuvre du RFA 2002-2008 (2009), la préoccupation des maîtres de trappe concernant les interventions dans ces secteurs d’intérêt particulier a été notée.

Chablis

Lors de la récente tournée réalisée dans le cadre du bilan 2008-2013, les maîtres de trappe ont été spécifiquement questionnés sur l’aménagement des zones riveraines, par le secrétariat du Conseil. La très grande majorité des maîtres de trappe et utilisateurs du territoire rencontrés avaient pour principal commentaire que les chablis observés dans les bandes riveraines sont contraignants pour la pratique de leurs activités dans ces secteurs, de même que pour le déplacement de la faune.

Une thèse de maîtrise d’intérêt, réalisée auprès de vingt-cinq utilisateurs cris de Waswanipi sur leurs besoins et leurs attentes pour la protection des cours d’eau et site associés de l’Eeyou Istchee apporte des précisions sur la problématique observée (J. Hébert, 2007).  Les résultats présentés indiquent que « les mesures actuellement utilisées par les aménagistes forestiers pour la protection des milieux riverains et aquatiques n’intègrent pas les besoins et attentes des principaux utilisateurs cris concernés ».  Il est noté que les recommandations des maîtres de trappe visent la poursuite de leurs activités traditionnelles, autant du point de vue de la protection de la qualité visuelle des paysages que celle des habitats fauniques exploités. Ils demandent une meilleure protection des bandes riveraines afin de pouvoir pratiquer leurs activités dans un environnement de qualité.

Axes d’intervention du Conseil

À l’automne 2013, le Conseil a décidé d’examiner cette question plus en détail.   Divers considérants ont été pris en compte pour déterminer l’axe d’intervention par lequel le Conseil devrait aborder le dossier notamment les discussions des parties sur l’harmonisation du RFA et de loi sur l’aménagement durable du territoire forestier (LADTF), les nouvelles dispositions du futur règlement sur l’aménagement durable du territoire forestier (RADF) qui devrait entrer en vigueur en 2016 et l’important exercice portant sur la cartographie de l’utilisation par les Cris du territoire EEyou Istchee (CLUM project).

Un projet visant à circonscrire la nature et l’ampleur du problème des bandes riveraines sur le territoire du RFA a été réalisé. Pour ce faire, diverses activités ont été conduites.

1 – État des connaissances :

Dans un premier temps, un portrait de l’état des connaissances en lien avec la problématique a été produit.  Plusieurs professeurs universitaires qui, de par leur spécialisation avaient chacun une perspective différente sur les bandes riveraines,  ont été interrogés sur l’adéquation des dispositions de l’entente sur les zones riveraines en fonction de leur propre expertise. Dans une certaine mesure, ils ont tous évoqué le fait que, même si elles ne sont pas optimales, les mesures de protection étaient suffisantes pour maintenir la fonction écologique des zones riveraines en termes d’habitat de la faune, de la connectivité et pour faire une barrière à la sédimentation, particulièrement lorsqu’elles sont appliquées dans la matrice de mosaïque de la Paix des Braves. Ils ont indiqué que le problème était social (le mécontentement des trappeurs) plutôt qu’écologique. Certaines approches alternatives d’aménagement pour les zones riveraines ont été proposées.

Par ailleurs, le Secrétariat a recueilli la documentation pertinente sur l’aménagement des zones riveraines. Cette documentation comporte les stratégies élaborées et utilisées pour les zones riveraines dans les autres juridictions au Canada, des articles scientifiques sur les bandes riveraines et les exigences du FSC en lien avec les bandes riveraines.

2- Aperçu des demandes liées aux zones riveraines

Dans le cadre de la phase de caractérisation du problème, les membres du GTC Québec ont, au cours de l’été 2014, procédé à une compilation des mesures d’harmonisation demandées par les maîtres de trappe dans le contexte des plans d’aménagement forestier de 2008-2013.

Le portrait montre différents types de demandes comme l’élargissement des bandes; éviter la coupe partielle dans les bandes; et situer des blocs résiduels à côté des zones riveraines importantes. Les demandes ont été faites sur l’ensemble de l’aire de piégeage, pas seulement dans les 25 %. La plupart des demandes semblent avoir été acceptées par les planificateurs lorsqu’elles étaient en lien avec les secteurs de récolte planifiés. Les demandes plus générales comme l’élargissement des bandes pour tous les lacs et toutes les rivières dans l’aire de piégeage semble avoir été refusées.

La prochaine étape pour cette tâche devrait être la formation d’un groupe de discussion avec les membres des GTC des deux parties visant à comprendre le portrait et à en discuter. Ce groupe n’a pas encore été formé.

3- Évaluation cartographique de l’ampleur du problème des chablis

Au cours de l’été 2014, un technicien en SIG du Gouvernement de la nation crie a été chargé de réaliser une évaluation cartographique de la situation des chablis dans les bandes riveraines. Cette évaluation a été demandée en raison des nombreux maîtres de trappe qui s’étaient plaints que les arbres laissés dans les bandes tombaient. Pour eux, cette situation créait une obstruction à la navigation ou pour les animaux qui les utilisaient comme des abris ou des corridors de déplacement.

La méthodologie a été proposée par un professeur de l’Université Laval. Les photos aériennes ont été rendues disponibles par le biais d’une collaboration avec le MFFP. L’étude consistait à examiner toutes les bandes riveraines générées pendant les coupes de l’année 2004, en prenant des photos aériennes plus de cinq ans après les coupes (la plupart en 2013) et à caractériser l’ampleur de la situation des chablis.

Les résultats montrent que seule une infime partie des bandes riveraines (5 sur 608 bandes riveraines étudiées) ont fait l’objet de chablis sévères ou partiels.

Quelles sont les prochaines étapes du Conseil?

Les activités de ce projet ont été interrompues quand un nouveau président et de nouveaux membres du Conseil pour le Québec ont été désignés à l’automne 2014. Il était également nécessaire de vérifier si le projet était toujours une priorité pour le Conseil compte tenu des résultats préliminaires obtenus dans la phase de caractérisation du problème et des progrès dans les négociations entre les parties.

Les membres du Conseil ont convenu de poursuivre dans ce dossier afin de mieux comprendre la problématique, du point de vue des maîtres de trappe. Ils ont retenu d’organiser, à l’été 2015, une visite sur le terrain où les membres échangeraient directement avec les trappeurs/maîtres de trappe sur les questions concernant les bandes riveraines.

Suivant ces échanges avec des utilisateurs cris du territoire, les membres du Conseil conviendront des prochaines étapes dans ce dossier.