Nouchimiich Eeyou Eetouin Ehwaptakoonoouch

Détecter les indices

Le mode de vie traditionnel et l’acquisition des savoirs cris sont basés sur l’occupation du territoire, l’observation des signes de la nature et le partage d’expériences. Le cadre de suivi du Conseil adopte cette philosophie et mise sur l’avantage d’avoir accès aux principaux occupants du territoire.

Par la pratique des activités traditionnelles, les Cris sont aux premières loges pour observer l’efficacité des différentes dispositions visant à mieux harmoniser les activités forestières avec leur mode de vie. Leur implication au sein des mécanismes participatifs prévus à l’Entente de la Paix des braves favorise également le partage d’expérience en ce sens.

Le Conseil propose un cadre de suivi visant à colliger les différents indices qui permettront d’évaluer en continu l’atteinte des objectifs du régime forestier adapté. Pour ce faire, il fait largement appel à l’appréciation des occupants du territoire et celle des intervenants impliqués dans la mise en œuvre de l’Entente de la Paix des braves.

Fondements du cadre de suivi


Responsabilités du Conseil

Le Conseil Cris-Québec sur la foresterie (CCQF) a la responsabilité de faire le suivi, le bilan et l’évaluation de la mise en œuvre des dispositions forestières de l’Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec (ENRQC).[1]

L’évaluation doit notamment lui permettre de recommander aux parties les ajustements et les modifications nécessaires pour faire évoluer le régime forestier adapté applicable au territoire de l’Entente, selon une approche d’amélioration continue.[2]

Parallèlement, le Conseil est également responsable de faire le suivi des processus de mise en œuvre au niveau des groupes de travail conjoints (GTC) et est impliqué dans les processus de révision des plans d’aménagement forestier.[3]

Contexte

À la suite de la signature de l’Entente en 2002, les parties se sont tout d’abord engagées dans la mise en œuvre du régime forestier adapté à travers des mesures transitoires, lors des premières années, jusqu’à la concrétisation d’un premier cycle complet de planification entre 2008 et 2013.

Les préoccupations initiales du Conseil Cris-Québec sur la foresterie en matière de suivi furent davantage de s’assurer que l’ensemble des dispositions du chapitre 3 sur la foresterie soient graduellement mises en œuvre, dans un esprit de collaboration entre tous les intervenants.

En 2009, le Conseil a produit un premier bilan de la mise en œuvre des dispositions de l’Entente portant sur la foresterie pour la période 2002-2008.

À ce moment, le Conseil constate que les moyens sont déployés par le ministère des Ressources naturelles du Québec pour assurer la mise en œuvre de la grande majorité des modalités techniques du chapitre 3. Il est néanmoins recommandé de renforcer la capacité d’intervention des membres des GTC pour qu’ils puissent contribuer en ce sens, dans la mesure de leur mandat.

Par ailleurs, le Conseil constate qu’aucun intervenant ne mesure l’atteinte des objectifs de l’Entente ni même ne s’interroge sur la propension des dispositions du régime forestier adapté à favoriser l’atteinte de ces objectifs.

En conséquence, le Conseil a identifié le suivi de la mise en œuvre de l’Entente comme un enjeu prioritaire et a inscrit à ses priorités d’action la volonté de mettre en place les outils et mesures nécessaires pour disposer en continu de l’information relative à l’atteinte des objectifs et des dispositions de l’Entente.

Au cours des dernières années, le Conseil a procédé au développement de son cadre de suivi et a convenu d’un plan d’action pour concrétiser la mise en œuvre du programme de suivi.

[1] ENRQC, 2018, article 3.32 a)
[2] ENRQC, 2018, articles 3.32 b) et 3.6
[3] ENRQC, 2018, articles 3.32 d) e) f)

Approche préconisée


Un outil simple pour les besoins du Conseil

Le cadre de suivi a été créé pour l’utilisation première des membres du Conseil afin qu’ils puissent être en mesure d’aviser les parties sur l’évolution du régime forestier adapté. Le Conseil a  été soucieux de s’en tenir à son mandat qui concerne exclusivement le chapitre 3 sur la foresterie de la Paix des braves. Le concept du cadre est souple et évolutif en ce sens qu’il ne vise pas à tout inclure ou mesurer dès le départ.

Les objectifs et les critères

L’assise du cadre de suivi est les objectifs énoncés au tout premier article du chapitre 3 sur la foresterie :

« Le régime forestier québécois s’appliquera sur le Territoire d’une manière qui permet :

  1. des adaptations pour une meilleure prise en compte du mode de vie traditionnel des Cris;
  2. une intégration accrue des préoccupations de développement durable;
  3. une participation, sous forme de consultation, des Cris aux différents processus de planification et de gestion des activités d’aménagement forestier. »
  4. une collaboration sous forme de concertation, du Gouvernement de na nation crie (GNC) et du Gouvernement régional Eeyou Istchee Baie-James (GREIBJ) au processus de planification prévu à l’annexe C-4 de la présente Entente.[4]

Le cadre traduit chacun des objectifs en une série de critères. Ces critères servent de base pour établir un jugement sur l’atteinte de l’objectif en multipliant les angles d’observation. Ainsi, chaque objectif comporte différentes facettes et se voit qualifié en fonction de plusieurs critères.

Une fois la structure « objectifs et critères » établie, le Conseil entre dans la partie évaluative du cadre de suivi. Celle-ci s’amorce par le suivi de l’application des dispositions, permettant de brosser un portrait systématique de la mise en œuvre.

Le Conseil effectue les suivis d’efficacité pour les critères dont les dispositions associées sont mises en œuvre. Il s’agit de vérifier si cette mise en œuvre contribue à l’atteinte des objectifs du chapitre 3. Autrement dit, le Conseil cherche à savoir si les dispositions font le travail.

[4] ENRQC, article 3.1

Une évaluation axée sur la détection

Le cadre de suivi du Conseil contraste avec les cadres de critères et indicateurs usuels en ce sens qu’il n’est pas axé principalement sur l’atteinte de cibles.  Il est davantage un outil de détection de ce qui fonctionne bien ou moins bien dans la mise en œuvre du régime forestier adapté.

L’évaluation mise grandement sur l’implication des intervenants et sur leur appréciation des dispositions du chapitre 3 à atteindre les objectifs.

Des actions concrètes

Le Conseil cherche à être proactif grâce à son cadre de suivi. Il vise à proposer des actions concrètes pour tous les problèmes éventuellement détectés. Le Conseil pourrait également mettre en œuvre des suivis additionnels visant à préciser la nature des problèmes détectés ou lancer des initiatives visant à apporter des correctifs.

Le cadre de suivi est un outil complémentaire à la planification stratégique du Conseil en ce sens qu’il influencera potentiellement les orientations du Conseil et ses priorités d’action selon les résultats obtenus en cours de route. Parallèlement, le Conseil, à travers ses orientations et ses choix d’enjeux d’intérêt, pourrait prioriser certains éléments du cadre de suivi et concentrer les évaluations sur certains critères ou indicateurs plus spécifiques.

Illustration du fonctionnement du cadre de suivi

Illustration du fonctionnement du cadre de suivi

Objectif 1 : Mode de vie traditionnel

Des adaptations pour une meilleure prise en compte du mode de vie traditionnel des Cris


Il est précisé dans l’Entente que la nation crie doit demeurer riche de ses héritages culturels, de sa langue et de son mode de vie traditionnel dans un contexte de modernisation croissante (art. 2.2). Le chapitre 3 portant sur la foresterie vise notamment à ce que le régime forestier québécois s’applique sur le territoire de l’Entente d’une manière qui permet des adaptations pour une meilleure prise en compte du mode de vie traditionnel des Cris.

Afin d’évaluer l’atteinte de cet objectif, le Conseil a cherché à mieux comprendre le concept de mode de vie traditionnel. L’Association des trappeurs cris propose à cet effet une définition du concept qui permet d’en saisir l’ampleur et qui illustre son aspect multidimensionnel ainsi que la difficulté de le circonscrire :

Les Eeyou définissent la culture Eeyou simplement comme le mode de vie adopté par les Eeyou. En fait, les Eeyou décrivent la culture Eeyou par le terme «Eeyou Pimaatisiiwin » c’est-à-dire le mode de vie Eeyou. Pour les Eeyou, la culture est déterminée et mise en forme par l’« Eeyou Iyihtiwin » – la façon Eeyou de faire les choses – et englobe l’ensemble complexe des croyances, des valeurs, des principes, des pratiques, des institutions, des attitudes, des mœurs, des coutumes, des traditions et des connaissances des Eeyou. Ces éléments influencent la détermination des lois des Eeyou. 

Le Conseil adopte la dimension culturelle de cette explication, à savoir que les activités traditionnelles pratiquées par les Cris, nonobstant l’intensité de pratique et l’évolution des outils, représentent un vecteur de transmission de la culture et de la langue et que les conditions retrouvées en forêt doivent permettre la réalisation de telles activités. Mais une foule de facteurs autres que les conditions forestières peuvent aussi influencer la pratique du mode de vie traditionnel par les Cris.

Pour mesurer efficacement l’atteinte de l’objectif, le Conseil se concentre alors sur les adaptations qui ont été incluses au chapitre 3 vis-à-vis le régime forestier québécois et vise à comprendre si ces adaptations contribuent positivement à la prise en compte du mode de vie traditionnel. Compte tenu de l’ampleur du concept, le Conseil considère que ce sont les Cris habilités à pratiquer et enseigner le mode de vie traditionnel qui sont à même de juger si les adaptations prévues au chapitre 3 sont bénéfiques.

En ce sens, les critères les plus pertinents à observer à l’intérieur du cadre de suivi sont les principales catégories d’adaptations qui sont retrouvées dans le chapitre 3. Ces adaptations, qui représentent une façon différente de concevoir l’aménagement forestier par rapport au régime québécois, doivent soutenir les Cris dans leur pratique du mode de vie traditionnel.

CRITÈRE 1.1 : ZONAGE

Dans le régime forestier québécois, le territoire est délimité en unités territoriales de référence (UTR) et en unités d’aménagement (UA) selon des paramètres biophysiques, écologiques et socio-économiques. Dans le chapitre 3, des adaptations sont prévues afin que les UTR et les UA soient adaptées aux limites géographiques des aires de trappe et à la réalité des communautés cries. Par ce zonage, il est visé de retrouver en tout temps et dans chaque aire de trappe des conditions forestières propices à la pratique du mode de vie traditionnel.

Dispositions associées
3.7 Aire de trappe comme unité territoriale de référence
3.8 Unités d’aménagement et limite nordique

CRITÈRE 1.2 : TERRITOIRES D’INTÉRÊT PARTICULIER POUR LES CRIS

Les sites culturels sont des lieux propices à la transmission des connaissances, de la culture, de la langue et des valeurs via les activités qui s’y déroulent. Ils permettent aussi de maintenir la notion d’identité basée sur l’occupation du territoire. Les sites culturels peuvent notamment inclure : les sites de camps ainsi que leur zone de proximité, les sites sacrés, les lieux de sépulture, les lieux de cueillette, les sites archéologiques, les sentiers de portage, tanières d’ours, caches, sources d’eau potable et plusieurs autres. Par ailleurs, les activités forestières doivent s’harmoniser avec les activités de chasse, de pêche et de trappage des Cris. Pour ce faire, l’aménagement forestier doit prendre en compte la protection des habitats fauniques et assurer que des habitats fauniques de qualité seront maintenus sur l’ensemble des aires de trappe du territoire. Le régime forestier adapté prévoit ainsi que les maîtres de trappe puissent identifier des sites culturels ainsi que des territoires forestiers d’intérêt faunique pour lesquels des mesures de protection particulières sont prescrites.

Dispositions associées

3.9 Sites d’intérêt (1 %)
3.10 Territoires d’intérêt faunique (25 %)
C-4 18. Cartes d’aide à la planification
3.71-3.73 Bois de chauffage

CRITÈRE 1.3 : APPROCHE D’AMÉNAGEMENT

Dans le régime forestier québécois, les approches sylvicoles sélectionnées pour aménager les forêts dépendent d’une foule de variantes telles que la composition des forêts, la structure des peuplements, les procédés de régénération forestière, les types de sols, les incidences sur le paysage, les facteurs socio-économiques, etc. L’approche d’aménagement du chapitre 3 est quant à elle adaptée au contexte particulier de l’Entente. Elle considère les différentes variantes énumérées précédemment, mais préconise une acceptabilité sociale accrue et prescrit des seuils spécifiques à respecter en ce qui concerne la superficie des secteurs de coupe, les peuplements résiduels à conserver, le rythme annuel de coupe autorisé, le niveau de perturbation acceptable par aire de trappe, le maintien de la composante feuillue, la récupération des bois en cas de désastre naturel, etc. L’approche d’aménagement mise de l’avant dans le régime forestier adapté vise donc à assurer que les Cris puissent pratiquer leurs activités traditionnelles de façon continue, et ce, en harmonisation avec l’aménagement forestier sur le territoire.

Dispositions associées

3.11 Maintien d’un couvert forestier

3.14 Perturbations d’origine naturelle ou anthropique

C-2 Coupe mosaïque, taille des blocs de récolte, hauteur des peuplements résiduels

C-3 Maintien couvert forestieer, Stratégie peuplements mélangés, Directives habitats fauniques

C-4 Mesures d’harmonisation

C-5 Plans spéciaux de récupération des bois affectés par les perturbations naturelles

 CRITÈRE 1.4 : ZONES RIVERAINES

Dans le régime forestier québécois, les zones riveraines bénéficient d’une protection spéciale lors d’activités d’aménagement forestier principalement pour des raisons hydrographiques, c’est-à-dire éviter des apports en sédiments dans les cours d’eau et préserver la qualité du milieu aquatique. Les Cris associent aux milieux riverains d’autres fonctions essentielles en lien avec la pratique de leur mode de vie. Par exemple, leur richesse en habitats fauniques permet d’y concentrer plusieurs activités de chasse et de trappage. S’y concentrent également un grand nombre de campements temporaires et autres sites culturels.  Le régime forestier adapté prévoit ainsi des mesures de protection additionnelles.

Dispositions associées
3.12 Protection des forêts adjacentes aux cours d’eau et aux lacs

3.13 Mécanismes relatifs aux refuges biologiques

CRITÈRE 1.5 : ACCÈS

Les activités forestières impliquent la construction et l’entretien d’un réseau routier important sur le territoire. Les Cris peuvent bénéficier de ce réseau pour accéder au territoire ou se déplacer entre différents sites. Le même réseau de chemins forestiers donne aussi accès à des villégiateurs et d’autres utilisateurs du territoire, pouvant par le fait même accroître les activités de chasse, de pêche et de trappe. Ainsi, la gestion de l’accès a des impacts directs et indirects sur la pratique des activités traditionnelles. Le chapitre 3 prévoit des adaptations au régime forestier québécois en accordant aux maîtres de trappe une influence accrue dans le développement du réseau routier.

Dispositions associées
3.15 Développement du réseau d’accès routier                                                          C-4 Mesures d’harmonisation (routes d’hiver/d’été)
3.10.6 Limiter l’implantation de grandes routes d’accès

INDICATEURS ET MOYENS DE VÉRIFICATION

Les indicateurs retenus pour évaluer les critères 1.1 à 1.5 sont regroupés.

Compte tenu du thème particulier qu’est le mode de vie des Cris, le Conseil mise sur deux indicateurs qualitatifs tirant profit des savoirs des utilisateurs du territoire. Ceux-ci sont les mieux placés pour déterminer si les différentes adaptations au régime forestier québécois favorisent une meilleure prise en compte du mode de vie traditionnel.

Les indicateurs proposés sont les suivants :

  • Appréciation du maître de trappe (et des membres de sa famille) au sujet de sa capacité de pratiquer et d’enseigner le mode de vie traditionnel des Cris
  • Appréciation du maître de trappe (et des membres de sa famille) au sujet des dispositions/adaptations du Chapitre 3 et de leur utilité dans la prise en compte du mode de vie des Cris

Le Conseil évaluera la possibilité d’ajouter un ou des indicateurs quantitatifs après avoir examiné plus attentivement les données colligées par l’Association des trappeurs cris et les autres organisations connexes. Dans ce cas, l’ajout d’indicateurs quantitatifs est souhaitable, mais pas obligatoire. Les données devront se révéler fiables et significatives pour notre contexte avant toute chose.

Les moyens de vérification principaux proposés sont :

  • Rapports des GTC (format à revoir – fréquence à déterminer)
  • Comptes rendus des rencontres de consultation produits par les GTC
  • Entrevues du CCQF avec les maîtres de trappe et les familles (fréquence 5 ans)

D’autres options sont aussi possibles :

  • Agents de suivi terrain cris (land monitors)
  • Aires de trappe/familles témoins
  • Groupes de discussion
  • Assemblées générales de l’Association des trappeurs cris
  • Autres événements spéciaux ou ateliers de travail

Objectif 2 Développement durable

Viser une intégration accrue des préoccupations de développement durable


Les nations crie et québécoise conviennent dans l’Entente de poursuivre le développement du Nord-du-Québec (art. 2.1). En matière de foresterie, l’Entente encadre ce développement en précisant que le régime forestier applicable sur le territoire doit permettre une intégration accrue des préoccupations de développement durable.

La Commission Brundtland a défini le développement durable comme étant : « Une forme de développement qui répond aux besoins de la génération actuelle tout en permettant aux générations futures de répondre aux leurs ». De la même façon, la perspective des peuples autochtones est souvent exprimée en fonction d’une responsabilité envers la septième génération :

Nous ne pouvons pas penser qu’à notre survie; chaque nouvelle génération est responsable d’assurer la survie de la septième génération. La prophétie qui nous est donnée nous dit que ce que nous faisons aujourd’hui aura une incidence sur la septième génération et à cause de cela, nous devons garder à l’esprit notre responsabilité envers eux aujourd’hui et toujours.

Le défi pour le Conseil est de proposer une façon d’articuler le concept de développement durable de manière à ce que les actions posées aujourd’hui puissent être évaluées en fonction de leur impact potentiel sur les générations futures. Le Conseil est notamment à la recherche d’un juste équilibre entre les trois pôles du développement durable, économique, social et environnemental, et d’une équité entre les Cris et les Québécois habitant le territoire, c’est-à-dire les Jamésiens, pour maintenant et pour le futur.

La clé réside alors dans l’identification de préoccupations de développement durable qui reflètent les trois pôles et qui représentent des critères sur lesquels la mise en œuvre du régime forestier adapté de l’Entente pourrait avoir un impact. Le Conseil propose d’évaluer si le chapitre 3 de l’Entente et son régime forestier adapté contribuent à un développement durable à travers ces critères.

Un exercice participatif a permis de convenir des critères les plus pertinents à évaluer dans le cadre de suivi. Ces critères sont des aspects qui ne sont pas déjà couverts par les objectifs 1 et 3, objectifs qui représentent aussi des préoccupations de développement durable.

Pôle économique

CRITÈRE 2.1 : DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE DES COMMUNAUTÉS

L’Entente a un but avoué de responsabilisation accrue de la nation crie par rapport à son développement économique. À travers l’Entente, le Québec s’engage à encourager et à faciliter la participation des Cris à des projets de développement forestier. Le développement économique forestier issu de la mise en œuvre de l’Entente peut notamment prendre la forme de partage de revenus (formule d’indexation incluant les redevances forestières), de volumes garantis, de partenariats d’entreprises, communautaires ou individuelles, et de contrats de toutes formes (allocation de bois, réalisation de travaux, etc.). Afin de faciliter la mise en œuvre des dispositions à caractère économique du chapitre 3 ainsi que pour promouvoir le développement des opportunités d’affaires pour les Cris, le Conseil Cris-Québec sur l’économie forestière (CCQEF) est créé dans le cadre de l’harmonisation du régime forestier adapté.

Dispositions associées

3.60-3.63 Accès à la ressource forestière
3.64 Emplois et contrats
Chapitre 7 – Dispositions financières
3.66-3.70 Conseil Cris-Québec sur l’économie forestière (CCQEF)

CRITÈRE 2.2 : CRÉATION ET MAINTIEN DES EMPLOIS

Avec un taux de chômage relativement élevé et une population active en croissance marquée, les Cris identifient le secteur forestier comme une source potentiellement importante de création d’emploi. Ils sont à la recherche d’emplois durables et de qualité ainsi que du soutien nécessaire pour développer les compétences requises pour occuper de tels emplois. Par ailleurs, la création d’emploi ne doit pas être un simple transfert et se faire au détriment des travailleurs jamésiens. Le maintien des emplois existants est aussi un facteur important. Il est souhaité que l’ensemble de la population régionale obtienne des opportunités équivalentes en matière d’emplois dans le secteur forestier.

Dispositions associées

3.60-3.63 Accès à la ressource forestière
3.64-3.65 Emplois et contrats
3.65 Ententes avec entreprises forestières
3.66-3.70 Conseil Cris-Québec sur l’économie forestière

CRITÈRE 2.3 : VABILITÉ DU SECTEUR FORESTIER DANS LA RÉGION

La viabilité du secteur forestier peut être influencée par une foule de facteurs conjoncturels ou structurels, que ce soit à l’échelle régionale, nationale ou internationale. Le régime forestier adapté de l’Entente est toutefois un facteur spécifique qui distingue la région Nord-du-Québec. Il est alors indiqué de vérifier si les exigences en lien avec le chapitre 3 deviennent des contraintes minant la viabilité du secteur forestier régional vis-à-vis d’autres régions du Québec et ceci, en conservant à l’esprit la préoccupation affirmée de réaliser un développement durable dans le territoire.

Dispositions associées
Esprit de l’Entente (chapitre 2)
3.66-3.70 Conseil Cris-Québec sur l’économie forestière

INDICATEURS ET MOYENS DE VÉRIFICATION

Les indicateurs et moyens de vérification proposés pour les critères économiques ont été développés en partenariat avec les économistes du Bureau de mise en marché des bois (BMMB) :

Indicateurs du critère 2.1

  • Nombre d’entreprises cries
  • Proportion d’entreprises cries par rapport au reste des entreprises québécoises
  • Hectares traités / volumes récoltés ou transformés par des entreprises cries
  • Proportion d’hectares traités / volumes récoltés ou transformés par rapport au reste des entreprises québécoises

Moyens de vérification

  • Répertoire des entreprises du MRN
  • Registre des usines (Industria)
  • Recommandations du CQEF aux parties
  • Compte-rendu, plans d’actions et réalisations du CCQEF

Indicateurs du critère 2.2

  • Nombre de travailleurs cris oeuvrant dans le secteur forestier
  • Ratio emploi cris / emplois total dans le secteur forestier
  • Contribution du CCQEF aux dispositions 3.64-3.70

Moyens de vérification

  • Enquête auprès des communautés (responsabilité et fréquence à déterminer)
  • Enquêtes Statistique Canada
  • Rapport d’intervention forestière des entreprises
  • Compte-rendu, plans d’actions et réalisations du CCQEF
  • Rapport du bureau de mise en marché des bois (BMMB)

Indicateurs du critère 2.3

  • Volume récolté dans les UA du chapitre 3
  • Ratio volume récolté dans les UA du chapitre 3 / volume total récolté au Québec
  • Redevances payées dans les UA du chapitre 3
  • Ratio redevances payées dans les UA du chapitre 3 / redevances totales payées au Québec
  • Ratio possibilité forestière dans les UA du chapitre 3 / possibilité forestière totale au Québec
  • Évolution des coûts d’opération dans les UA du chapitre 3
  • Contribution du CCQEF quant à l’utilisation du volume garanti aux Cris (article 3.60)

Moyens de vérification

  • Données de mesurage et facturation (MesuBois) du MRN
  • Bureau du forestier en chef
  • Modèles de tarification du BMMB
  • Rapports et enquêtes du BMMB (territoire du chapitre 3)
  • Recommandations du CCQEF aux parties

Pôle social

CRITÈRE 2.4 : CONSIDÉRATION DES DIFFÉRENTS UTILISATEURS DU TERRITOIRE

Les Cris vivent actuellement une croissance démographique marquée, ce qui multiplie le nombre d’utilisateurs du territoire et pourrait accentuer la pression sur les ressources. Alors que le chapitre 3 de l’Entente est principalement centré sur des stratégies à l’échelle des aires de trappe et sur la participation des maîtres de trappe lors de la planification forestière, l’approche prônée par l’Entente doit être équitable et représentative pour tous les groupes d’utilisateurs cris, jeunes ou aînés, homme ou femme, chasseur saisonnier ou trappeur à temps complet, ayant accès ou non à un territoire de chasse familial. De même, cette approche doit viser à ne pas causer un préjudice aux villégiateurs et chasseurs non-Cris, qui eux aussi désirent bénéficier des ressources du territoire.

Dispositions associées
3.4 Harmonisation accrue des activités forestières avec les activités de chasse, de pêche et de trappe
Esprit de l’entente (chapitre 2)

INDICATEURS ET MOYENS DE VÉRIFICATION

Le Conseil propose deux indicateurs qualitatifs visant à évaluer l’appréciation des acteurs visés par le critère 2.4 :

  • Appréciation des utilisateurs cris autres que les maîtres de trappe au sujet de leur capacité de pratiquer le mode de vie cri, de leur accès au territoire et de leur niveau de participation aux  décisions d’aménagement du territoire
  • Appréciation des Jamésiens (non-Cris) sur leur accès au territoire et de leur niveau de participation aux  décisions d’aménagement du territoire

Les moyens de vérification (sources et outils potentiels de collecte des données) proposés varient :

  • Données de l’Association des trappeurs cris
  • Entrevues du CCQF avec les autres usagers du territoire et les membres des communautés (fréquence > 5 ans)
  • Rapports des TGIRT (si disponibles)
  • Programme de sécurité du revenu / Office
  • Autres (ex. Département de la culture crie, COTA, Table régionale sur la faune, pourvoyeurs, comité conjoint chasse, pêche, piégeage, etc.)

Pôle environnemental

CRITÈRE 2.5 : PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ

La protection de la biodiversité est bien évidemment un élément évalué globalement à l’échelle nationale, voire internationale, par différents types de suivi.  Selon un objectif plus ciblé, nous nous attardons ici à la validation de la stratégie d’aménagement déployée à travers le régime forestier adapté de l’Entente, afin qu’elle maintienne les fonctions écologiques associées à la diversité des écosystèmes représentatifs du territoire. De même, l’impact de la stratégie d’aménagement du régime forestier adapté doit aussi être évalué vis-à-vis les espèces à statut (menacé ou vulnérable) et les habitats fauniques protégés.

Dispositions associées
C-2 Coupe mosaïque, taille des blocs de récolte, hauteur des peuplements résiduels
C-3 Maintien couvert forestier, Stratégie peuplements mélangés, Directives habitats fauniques
3.10 Territoires d’intérêt faunique (25 %)

CRITÈRE 2.6 : INTÉGRITÉ DES ÉCOSYSTÈMES SOCIOÉCOLOGIQUES CLÉS

Le concept des écosystèmes socioécologiques clés est associé au concept des services écosystémiques, c’est-à-dire le bénéfice que les humains retirent de certains écosystèmes. Pour notre cas, ces écosystèmes sont le plus souvent reliés aux activités traditionnelles des Cris. Par exemple, citons l’importance culturelle attribuée aux peuplements mélangés matures en tant qu’habitat faunique névralgique pour l’orignal, aux peuplements d’épinettes blanches en tant que source importante de plantes médicinales, aux frayères, ainsi qu’à plusieurs autres écosystèmes. Ces écosystèmes sont souvent sous-représentés sur le territoire, d’où l’importance de les identifier et de vérifier si la stratégie d’aménagement déployée sur le territoire en assure l’intégrité.

Dispositions associées

C-3 Stratégie des peuplements mélangés
3.7 Aire de trappe comme unité territoriale de référence
3.10 Territoires d’intérêt faunique (25 %)
3.11 Maintien d’un couvert forestier + Annexe C-2
3.12 Protection des forêts adjacentes aux cours d’eau et aux lacs
C-3 Directives sur les habitats fauniques
C-4 18. Cartes d’aide à la planification
3.13 C-4 Refuges biologiques
3.15.3 C-4 18. Chemins vs frayères

CRITÈRE 2.7 : CONNAISSANCES SUR LE TERRITOIRE

Le développement de meilleures connaissances sur les écosystèmes forestiers du territoire, sur leurs composantes en général et sur la faune en particulier doit favoriser l’élaboration de stratégies d’aménagement plus respectueuses des dynamiques naturelles et contribuer à assurer la pérennité des ressources. La mise en œuvre efficace du régime forestier adapté repose sur l’existence de programmes d’acquisition des connaissances qui peuvent prendre différentes formes et viser différents buts tels que le maintien, le transfert, le partage ou la recherche, et qui contribueront à l’élaboration de stratégies ou de mécanismes visant à mettre à profit les connaissances traditionnelles des Cris sur le territoire.

Dispositions associées

3.6 Le régime forestier adapté évoluera
Conseil Cris-Québec sur la foresterie
Groupes de travail conjoints et coordonnateurs
C-4 18. Cartes d’aide à la planification
C-4 Section sur le suivi

INDICATEURS ET MOYENS DE VÉRIFICATION

Les indicateurs proposés pour les critères 2.5 et 2.6 ont été discutés avec des professionnels du MFFP et du ministère du Développement durable, de l’Environement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELCC). Le Conseil propose d’utiliser principalement des indicateurs déjà suivis par les deux entités pour faciliter le suivi :

  • Tableaux VOIC – valeurs, objectifs, indicateurs et cibles (Indicateurs biophysiques mesurés régionalement)
  • Espèces fauniques sensibles (pessière à mousse)
    Caribou forestier
    Martre
  • Espèces fauniques d’intérêt socio-économique
    Orignal
    Omble de fontaine
  • Sites sensibles protégés en vertu du règlement sur l’aménagement durable des forêts (RADF)
  • Protection effective des forêts adjacentes aux cours d’eau suite au processus de relocalisation des refuges biologique
  • VOIC présentées par les Cris

Les moyens de vérification associés à ces indicateurs sont multiples et restent à préciser :

  • Statut des espèces vulnérables / menacées
  • Suivi du MFFP
  • Suivi du MDDELCC
  • Données de l’ATC
  • Mentions faites par le maître de trappe et intégrées à la base de données géo-référencée du MFFP

Autres options :

  • Modèles de qualité d’habitat
  • Suivis FSC
  • Autres initiatives de suivi et résultats
  • Sites expérimentaux
  • Inventaires
  • Initiatives de recherche et résultats
  • Suivis accordés aux VOIC

Des indicateurs plus spécifiques sont proposés pour le critère 2.7 portant sur les connaissances. Il s’agit pour la plupart des cas de l’inventaire / du dénombrement des initiatives :

  • Visites terrain
  • Initiatives pour documenter les connaissances
  • Études sur l’utilisation du territoire
  • Inventaires
  • Ateliers / colloques / conférences
  • Publications

Ces initiatives devront être compilées par le secrétariat du Conseil.

Objectif 3 Participation

Assurer la participation, sous forme de consultation, des Cris aux différents processus de planification et de gestion des activités d’aménagement forestier


Le concept de consultation des peuples autochtones est traduit de différentes façons en fonction des contextes. Selon une approche plus générale, par exemple, le guide de consultation des autochtones du gouvernement du Québec et le protocole de l’Institut de développement durable des Premières Nations du Québec et du Labrador adoptent un angle basé sur l’obligation légale de la couronne de consulter et d’accommoder. Le régime de protection de l’environnement et du milieu social inclus à la Convention de la Baie-James et du Nord québécois prévoit quant à lui un statut particulier et une participation spéciale pour les Cris, visant la protection de leurs droits et garanties. Par ailleurs, plusieurs cadres spécifiques à la gestion des forêts, tels que les principes de l’aménagement forestier durable ou les normes de certification forestière, viennent préciser davantage les attentes en matière de consultation et de participation des autochtones.

En ce qui concerne l’Entente, les Cris et le Québec y conviennent de différentes tribunes impliquant différents acteurs pour assurer la participation des Cris à la mise en œuvre du régime forestier adapté. Ils conviennent également de processus spécifiques pour l’élaboration, la consultation et le suivi des plans d’aménagement forestier. L’Entente introduit notamment les notions de participation réelle et significative à la planification des activités d’aménagement forestier, de prise en compte de la protection des habitats fauniques et de règlement des différends entre les utilisateurs à travers la création des groupes de travail conjoints.

Le chapitre 3 de l’Entente vise donc à ce que différents mécanismes de consultation assurent une participation réelle et significative des Cris aux différents processus de planification et à la gestion des activités d’aménagement forestier. Le Conseil cherche à évaluer l’efficacité de ces mécanismes de consultation à favoriser la participation des Cris.

Pour ce faire, le Conseil a cherché à approfondir le concept de participation des Cris pour mieux comprendre leurs aspirations en cette matière. Il en ressort que les Cris approchent la participation de façon multidimensionnelle. Ils souhaitent bien sûr influencer de façon concrète le résultat de la démarche, pourvu que la démarche elle-même soit adaptée de façon à respecter et valoriser leur culture ainsi que de manière à favoriser leur épanouissement et leur plus grande autonomie en tant que nation.

C’est dans cette optique que le Conseil a conduit un exercice participatif afin d’identifier les critères les plus significatifs permettant de juger l’efficacité des mécanismes consultatifs en regard des aspirations des Cris en matière de participation.

CRITÈRE 3.1 : EFFICACITÉ DES MÉCANISMES ET RÈGLEMENT DES DIFFÉRENDS

La participation n’est pas une fin en soi. Sa vertu est avant tout de mener à des propositions d’aménagement acceptables pour l’ensemble des parties impliquées, écologiquement appropriées et techniquement réalistes. Dans cet esprit, les mécanismes de consultation du chapitre 3 de l’Entente doivent évidemment démontrer une opportunité réelle d’influence de la part des Cris. Par le fait même, ils doivent éventuellement mener à des résultats concrets de manière à ce que l’activité forestière sur le territoire ne soit pas prise en otage par des processus sans fin. Par ailleurs, la participation peut parfois mener à des divergences de vues et d’opinions difficilement conciliables. Le mécanisme de règlement des différends mis en place pour dénouer certains cas qui se retrouvent dans une impasse doit être juste, équitable, efficace et satisfaisant.

Dispositions associées

Conseil Cris-Québec sur la foresterieConseil Cris-Québec sur la foresterie
Groupes de travail conjoints
Coordonnateurs des GTC
3.14 Perturbations d’origine naturelle ou anthropique
3.15 Développement du réseau d’accès routier
C-4 19-23 Règlement de conflits
C-4 Suivi des plans

CRITÈRE 3.2 : RECONNAISSANCE DE L’INTENDANCE CRIE DU TERRITOIRE

La participation significative des Cris passe par des mécanismes adaptés à leur culture. Les Cris souhaitent notamment que les mécanismes de consultation reconnaissent leurs savoirs écologiques, acquis par l’expérience et l’observation, qui peuvent être très utiles pour comprendre les impacts des activités forestières sur le territoire et surtout pour minimiser ces impacts sur les activités de chasse, pêche et trappage. Leur participation vise à ce que les détenteurs de ces savoirs, maîtres de trappe ou autres trappeurs d’expérience, puissent contribuer leur expertise plutôt que de confier le soin à des non-Cris d’interpréter la portée des savoirs cris.  Les Cris souhaitent aussi que les mécanismes de consultation valorisent le rôle d’intendance des maîtres de trappe. Le cœur de la culture crie est traditionnellement basée sur les activités d’intendance du territoire, sur l’habilité et sur l’éthique. La participation doit reconnaître le leadership des maîtres de trappe dans l’organisation du territoire.

Dispositions associées
Groupes de travail conjoints
C-4
3.1 c) et d) Principes de participation et de collaboration
3.13 Mécanismes relatifs aux refuges biologiques
3.9.5 Superposition des 1 % et des refuges biologiques

CRITÈRE 3.3 : CONTRIBUTION À LA GOUVERNANCE DES INSTITUTIONS CRIES

Chez les Cris, la participation est vue comme une façon d’être inclus dans la prise de décision à chaque niveau et comme une façon de donner le pouvoir aux institutions communautaires et régionales. Les Cris ont leurs propres institutions et des façons bien à eux d’exercer leur gouvernance. Dans un souci de favoriser une plus grande autonomie des Cris, les mécanismes consultatifs du chapitre 3 de l’Entente doivent encourager la participation des Cris non seulement à l’échelle de l’aire de trappe, mais aussi à travers leurs institutions, qu’elles œuvrent à l’échelle des communautés ou de la nation. Les mécanismes doivent également donner l’opportunité aux institutions cries d’accroître leur influence non seulement sur les plans d’aménagement, mais également sur les autres composantes de la gestion des forêts.

Dispositions associées

Conseil Cris-Québec sur la foresterie
Groupes de travail conjoints
Coordonnateurs des GTC

CRITÈRE 3.4 : DÉVELOPPEMENT DES CAPACITÉS INDIVIDUELLES ET INSTITUTIONNELLES

La planification et la gestion des activités d’aménagement forestier font appel à des connaissances disciplinaires variées et nécessitent le recours à divers outils techniques. Alors que la participation devrait favoriser un rôle accru des Cris, il importe que les individus et les institutions impliqués disposent des connaissances appropriées et des moyens techniques nécessaires pour contribuer de façon éclairée. Les mécanismes de consultation du chapitre 3 de l’Entente doivent alors être adaptés en ce sens et bâtis de manière à ce qu’ils favorisent le développement des capacités individuelles et institutionnelles des Cris en matière de gestion des forêts. En contrepartie, l’aménagement forestier sur le territoire implique une rencontre entre deux cultures. La prise en compte des intérêts des Cris passe donc aussi par une meilleure sensibilisation des aménagistes forestiers à la culture crie. Cette sensibilisation peut s’articuler en termes d’efforts consentis par les aménagistes pour accroître leur compréhension, mais également en termes d’ouverture des Cris à partager leur culture et en termes de disponibilité d’outils et de mécanismes visant à favoriser une meilleure compréhension.

Disposition associée
Esprit de l’entente (chapitre 2)

INDICATEURS ET MOYENS DE VÉRIFICATION

Les indicateurs proposés pour les critères portant sur la participation sont les suivants :

Critère 3.1

  • Appréciation des GTC et des coordonnateurs
  • Appréciation des planificateurs
  • Appréciation des maîtres de trappe
  • Occurrence de conflits
  • Contribution des Cris aux activités de suivi des plans d’aménagement forestier
  • Ratio règlement de conflits/occurrence de conflits
  • Durée des conflits avant règlement

Critère 3.2

  • Appréciation du maître de trappe au sujet de son niveau d’influence et du processus de participation (localisation blocs résiduels, développement réseau routier, identifications sites sensibles, mesures d’harmonisation, etc.)
  • Appréciation des GTC et des maîtres de trappe quant à l’implication des Cris dans la détermination des mécanismes relatifs à la relocalisation des refuges biologiques et des territoires d’intérêt pour les Cris.

Critère 3.3

  • Appréciation du GNC / des Conseils de bande

Critère 3.4

  • Existence de programmes / activités de formation
  • Nombre d’activités de sensibilisation interculturelle

* Un indicateur sur la capacité institutionnelle des Cris reste à définir

Pour l’ensemble des indicateurs, les moyens de vérification proposés sont les suivants :

  • Rapports des GTC (format à revoir – fréquence à déterminer)
  • Comptes rendus des rencontres de consultation produits par les GTC
  • Tableau de suivi des mesures d’harmonisation
  • Rapports de suivi du MFFP (Mise à jour des statistiques de l’ENRQC, rapports quinquennaux, autres)
  • Entrevues / évaluations du CCQF (fréquence 5  ans)
  • Tableau de suivi des conflits préparés par les coordonnateurs
  • Outils de suivi des demandes et mesures d’harmonisation du MFFP
  • Rapports des TGIRT (si disponibles)

Plus spécifiquement pour l’indicateur portant sur les programmes et activités de formation, un moyen de vérification additionnel proposé est :

  • Évaluation / données du GNC/CHRD sur la formation, budgets, ressources humaines, etc.

Objectif 4 Collaborations

Assurer la participation, sous forme de concertation, du Gouvernement de la nation crie et du Gouvernement régional Eeyou Istchee Baie-James au processus de participation pour la planification forestière


Suite à l’entrée en vigueur de la Loi sur l’aménagement durable du territoire forestier (LADTF) en 2013, des changements au chapitre 3 de la Paix des Braves devinrent nécessaires pour harmoniser le régime forestier adapté au nouveau régime forestier québécois sur le territoire de l’Entente. Ce 4e objectif a donc été ajouté aux dispositions générales tout au début du chapitre 3 de la Paix des Braves. Cet objectif vise à refléter les engagements des parties pris dans le cadre de l’Entente sur la gouvernance dans le territoire d’Eeyou Istchee Baie-James intervenue entre les Cris d’Eeyou Istchee et le gouvernement du Québec en 2012.

Cet objectif s’inscrit dans la mouvance du développement durable où l’aménagement du territoire et la gestion des ressources naturelles deviennent progressivement participatifs. Plus spécifiquement, la stratégie d’aménagement durable des forêts vise notamment à accroître la participation des peuples autochtones et des populations locales à la gestion forestière. Il existe une échelle de gradation de la participation publique qui suppose une implication croissante des populations concernées : l’information, la consultation, la concertation et le partenariat. La concertation est un niveau de participation supérieur à celui de la consultation; puisque l’apport des usagers à la prise de décision y est accru.

Afin de mettre en œuvre cette concertation, le chapitre 3 de la Paix des Braves prévoit la création de tables de gestion intégrée des ressources et du territoire (TGIRT) sur les terres des catégories II et III du territoire du RFA. Leur mandat, tel que stipulé à l’annexe C-4 consiste à :

« Assurer la prise en compte des préoccupations des Cris (sur terres II et III) et des Jamésiens concernés (sur terres III), de fixer des objectifs d’aménagement durable des forêts et de convenir de mesures d’harmonisation des usages. Sur terres de la catégorie II, le GNC se concerte préalablement avec les maîtres de trappage cris et autres intervenants cris concernés sur ces aspects. Sur terres de la catégorie III, c’est le gouvernement régional Eeyou Istchee Baie-James (GREIBJ) qui se concerte préalablement avec tous les intervenants Cris et Jamésiens concernés par ces aspects. Ces tables sont paritaires. »

Pour évaluer cet objectif, le Conseil a cherché à mieux comprendre le concept de collaboration sous forme de concertation, mais aussi la façon dont les parties comptent le mettre en œuvre dans le cadre du chapitre 3 de la Paix des Braves, puisqu’outre le mandat précité, la Paix des Braves ne donne pas de détail à ce sujet.

La collaboration est un concept très large qui présuppose de travailler ou de réfléchir ensemble pour atteindre un objectif. C’est un processus par lequel plusieurs personnes ou organisations s’associent pour effectuer un travail intellectuel suivant des objectifs communs.

Concept relativement nouveau dans le domaine de la gestion des ressources naturelles, la concertation n’a pas vraiment de fondement théorique. Ses définitions sont diverses et ne distinguent pas toujours clairement la concertation de la consultation. Il apparaît donc approprié de se fier à la définition fournit par le gouvernement du Québec dans le glossaire du Guide sur les tables de gestion intégrée des ressources et du territoire[1] :

« Processus de participation publique planifié par lequel des acteurs ciblés par le pouvoir public sont conviés à discuter et à délibérer entre eux au-delà des opinions et des intérêts divergents afin de s’entendre (par compromis ou par consensus) sur une solution à proposer à une problématique commune et d’influencer ainsi les décisions définitives (adapté de Fortier, 2010[2]). »

Cette définition provenant du milieu des loisirs est assez ouverte et pourrait porter à interprétation. Il s’avérait donc important pour le Conseil de s’assurer que les intervenants avaient une interprétation commune du concept. L’apport de conseillers issus du milieu académique a été sollicité pour clarifier le tout. La prise de décision par compromis ou consensus suppose que les acteurs participant à la concertation doivent négocier pour arriver à un terrain d’entente. La notion de consensus reflète une situation où la décision finale ne correspond pas tout à fait à la position de départ des acteurs, mais que ceux-ci s’y rallient tout de même, puisque la décision est issue d’un compromis entre les participants. Le compromis implique que certains acteurs feront des concessions lors des délibérations pour arriver à un accord unanime.

Après s’être penché sur le cadre théorique de la concertation, le Conseil s’est intéressé à la façon dont les autorités impliquées comptaient mettre en œuvre la concertation au sein des TGIRT. Le GNC et le GREIBJ se sont tous deux dotés de règles de fonctionnement pour les TGIRT sur terres de catégories II et III. Ces règles reprennent à peu près la définition du ministère, mais précise aussi, notamment : quels acteurs sont ciblés pour prendre part aux travaux; comment sont organisées et fonctionnent les réunions; comment se fait la concertation et de quelle façon se prennent les décisions. Ces règles fixent aussi la façon d’effectuer les comptes rendus et de mesurer la satisfaction des participants, en plus d’établir un processus de règlement de conflit.

Il est important de mentionner que les règles de fonctionnement des TGIRT sur terres de catégorie III font une entorse à la théorie en proposant une prise de décision par un vote à 75 % de majorité lorsqu’un accord unanime ne peut être atteint.

Dans le contexte du chapitre 3 de la Paix des Braves, la concertation vise à assurer la prise en compte des préoccupations des usagers Cris et Jamésiens (sur terres de la catégorie 3) dans le cadre des processus de planification des activités d’aménagement forestier sur le territoire. Pour ce faire, ceux-ci sont appelés à se concerter, par le biais des TGIRT, afin de convenir d’objectifs locaux d’aménagement des forêts. Le Conseil cherche à évaluer l’efficacité de ce mécanisme à favoriser la collaboration des Cris et des Jamésiens à la détermination d’objectifs communs et à intégrer leurs préoccupations dans les décisions définitives relativement à la planification forestière.

[1] Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs. 2018. Guide de la table locale de gestion intégrée des ressources et du territoire : son rôle et son apport dans l’élaboration des plans d’aménagement forestier intégré.

[2] Fortier, J. 2010. Qu’est-ce que la concertation? Une définition en sept caractéristiques. Bulletin de l’observatoire québécois du Loisir. Volume 7 numéro 11.

La définition assez ouverte de la concertation offre la possibilité de définir des critères flexibles se basant sur des indicateurs davantage subjectifs tels que la satisfaction. Le suivi d’un tel concept doit se concentrer à évaluer d’abord le processus. La détermination des critères et indicateurs pour le suivi de l’objectif 4 s’est basée sur les dispositions du chapitre 3 relatives aux TGIRT ainsi que sur les définitions officielles existantes et les règles de fonctionnement des TGIRT telles qu’établies par les autorités concernées.

CRITÈRE 4.1 : PARTICIPATION ET REPRÉSENTATIVITÉ AUX TGIRT (TERRES CAT II ET III)

La concertation implique des acteurs ciblés par le pouvoir public, ici plus spécifiquement les usagers du territoire, soit les Cris dans le cas des terres de catégorie II et les Cris et Jamésiens concernés sur terre de catégorie III, qui sont conviés à discuter et à s’entendre afin de convenir d’objectifs communs. Ce critère vise à vérifier si les acteurs prévus à l’Entente sont bien ciblés par le processus de désignation des délégués, s’ils sont représentatifs de leur groupe au sein des TGIRT et s’ils sont présents autour de ces tables de concertation. On s’intéresse donc plus spécifiquement avec ce critère à ce qui se passe avant la collaboration proprement dite. On s’interroge à savoir quels groupes d’intérêt sont invités? Est-ce que le délégué est représentatif de son groupe? Comment les invitations sont-elles diffusées? Qui se présente effectivement aux rencontres?

Dispositions associées

C-4 art. 2 But et objectifs de la mise en place des TGIRT
Compositions des tables (parité)
C-4 art. 3 Concertation préalable du groupe d’intérêt par le délégué

CRITÈRE 4.2 : APPLICATION DE LA CONCERTATION AU SEIN DES TGIRT (TERRES DE CAT II ET III)

Ce critère vise à évaluer si la concertation a bel et bien lieu lors des réunions des TGIRT. Il s’avère important de s‘assurer qu’au-delà d’être rassemblés autour d’une même table, les usagers concernés par les activités d’aménagement forestier sur le territoire, ont effectivement la chance d’exprimer leurs valeurs, intérêts et préoccupations. Il est question ici de participation qui va au-delà de la présence physique, mais du fait de prendre part aux discussions. Il faut aussi examiner de quelle façon se prennent les décisions, comment est établi le consensus. Il s’agit également de valider si les négociations portent sur les objectifs établis au départ; soit convenir d’objectifs locaux d’aménagement durables des forêts. Enfin, puisqu’il peut arriver qu’il y ait concertation sans toutefois arriver à un consensus, il est important de vérifier, en cas de différend entre les délégués, si le processus de résolution de conflits est appliqué et si les intervenants concernés sont satisfaits de l’issu du règlement.

Dispositions associées
C-4 art. 2. a) et b) But et objectifs des TGIRT
C-4 art. 6 Mécanisme de règlement de conflit

CRITÈRE 4.3 : PRISE EN COMPTE DES TRAVAUX DES TGIRT DANS LA PLANIFICATION FORESTIÈRE (TERRES DE CAT II ET III)

Le but premier des TGIRT selon la Paix des braves est d’assurer la prise en compte des préoccupations des Cris (et des Jamésiens sur terres de la catégorie III) dans le cadre de la planification forestière. Donc, une fois que les bonnes personnes ont été convoquées à la table, se sont réunies, ont discuté et se sont entendues sur des objectifs communs, il convient de vérifier si les travaux des TGIRT ont une influence réelle sur les décisions des autorités responsables de la planification forestière. Il se peut effectivement qu’il y ait eu consensus à la table sans que celle-ci arrive à influencer les décisions des autorités. S’il advient que le contenu des planifications forestières déposées par les autorités ne se concilie pas avec les intérêts et préoccupations des intervenants concernés ou si un objectif d’aménagement local des forêts déterminé par la table n’a pas été pris en compte dans la planification, la TGIRT concernée peut faire appel à un processus de règlement de conflits. Il conviendra alors pour le Conseil d’évaluer si ce processus est respecté et s’il satisfait les intervenants concernés.

Dispositions associées

C-4 art. 4 Contenu et préparation des PAFIT
C-4 art. 6 Révision des PAFIT par les TGIRT
Mécanisme de règlement de conflit
C-4 art.17 Transmission des PAFIO aux TGIRT

INDICATEURS ET MOYENS DE VÉRIFICATION

Critère 4.1 : Participation et représentativité aux TGIRT (sur Terres de catégorie II et III)

  • Processus de détermination des délégués
  • Représentation des intérêts du groupe par le délégué
  • Niveau de participation (présence) des délégués Cris
  • Niveau de participation (présence) des Jamésiens concernés (sur terres de la catégorie III)

Critère 4.2 : Application de la concertation au sein des TGIRT (sur Terres de Catégorie II et III)

  • Implication des délégués Cris et non-Cris aux discussions
  • Nombre de préoccupations Cris et non-Cris traduites en Enjeux-Solutions
  • Degré de compréhension des délégués des dossiers de la table
  • Processus de prise de décision
  • Occurrence de conflits
  • Ratio conflits réglés/conflits en cours
  • Niveau de satisfaction des intervenants concernés quant à l’issu du règlement de conflit

Critère 4.3 : Prise en compte des travaux des TGIRT dans la planification forestière (sur Terres de Catégorie II et III)

  • Intégration des Enjeux-Solutions* aux PAFIT
  • Niveau de satisfaction des participants quant à leur influence sur la prise de décision
  • Occurrence de conflits
  • Ratio conflits réglés/conflits en cours
  • Niveau de satisfaction des intervenants concernés quant à l’issu du règlement de conflit
  • Respect du processus de règlement de conflit
  • Respect du processus de préparation des PAFIO

Pour l’ensemble des indicateurs, les moyens de vérification proposés sont les suivants :

  • Listes de la composition des TGIRT et des délégués nommés
  • Avis de convocation
  • Comptes rendus des rencontres
  • Tableau de participation/présences
  • Rapport annuel du GRIEBJ sur les TGIRT
  • Sondage sur la satisfaction des participants
  • Règle de fonctionnement des TGIRT
  • Observation de la dynamique des rencontres
  • Tableau des Enjeux-Solutions*
  • Tableau de suivi des conflits/Compte rendu sur les conflits
  • Section du PAFIT sur les objectifs locaux

*Les VOIC (valeur, objectif, indicateur et cible) sont maintenant appelés Enjeux-Solutions.